Podcast Innov’Action | Au cœur de l'insertion professionnelle des personnes aux parcours décousus

Journaliste : Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode d'Innov’Action, le podcast des ministères sociaux et de leurs actions innovantes. Cap aujourd'hui sur l'insertion et le chemin vers l'emploi, principalement pour les personnes qui ne bénéficient pas d'accompagnement dit « sans couture », nous y reviendrons. Aujourd'hui, nous allons découvrir ensemble comment une expérimentation de la DGEFP peut mener au droit commun avec une inscription de l'article sept de la Loi pour le plein emploi. Nous vous emmenons sur les chemins de l'emploi pour les plus fragiles, du repérage à la remobilisation.  Et pour nous accompagner aujourd'hui sur ce parcours : Bilen Barzaghi et Jean-Christophe Vidal. Merci à tous les deux d'être là. 

Bilen Barzaghi : Merci à vous, bonjour à toutes et à tous. 

Jean-Christophe Vidal : Bonjour à toutes et à tous, merci. 

Journaliste : Alors, est-ce que vous pourriez vous présenter déjà pour nos auditeurs ? 

Bilen Barzaghi : Alors moi je suis Bilan Barzagli, chargée de mission Innovation et expérimentation au Département de la Stratégie de la DGEFP, Délégation Générale à l'Emploi et la Formation Professionnelle. 

Jean-Christophe Vidal : Jean-Christophe Vidal, Directeur Général de l'association Konexio, qui accompagne des personnes vers l'emploi.

Journaliste : Vous venez de nous donner quelques indices lors de votre présentation, mais moi j'aimerais savoir pourquoi vous vous retrouvez tous les deux à mon micro ?

Bilen Barzaghi : Alors oui, comme dit en introduction, je fais partie du département de la stratégie de la DGEFP qui a porté le plan d'investissement dans les compétences avec deux appels à projets principaux : « 100 % Inclusion » et « intégration professionnelle des réfugiés ». Je laisse Jean-Christophe dévoiler pourquoi il est devant nous aujourd'hui.

Jean-Christophe Vidal : Merci Bilen. Et donc nous Konexio. On est lauréat du plan d'investissement dans les compétences, les 2 : « 100 % Inclusion » et « insertion professionnelle des réfugiés ». Et donc ce que l'on propose, c'est à des personnes qui sont inscrites dans les agences France Travail ou dans des missions locales de pouvoir tester des choses nouvelles. Souvent, ce sont des personnes dont les conseiller d'insertion professionnelle ne savent pas quoi leur proposer. Et nous on va leur proposer de rencontrer des professionnels. On va leur proposer de participer à des ateliers, donc tester leur appétence pour un futur métier. Et d'un autre côté, notre rôle aussi, c'est de pouvoir aller chercher des personnes qui ne sont pas inscrites à France Travail, qui ne sont pas dans ce giron administratif de manière à les embarquer. Et comme on est plusieurs associations et qu'on travaille en lien avec les structures administratives et l'État, on fait en sorte que les parcours soient suffisamment diversifiés pour pouvoir intéresser tout le monde.

Journaliste : C'est justement notre sujet. Bien évidemment, aujourd'hui, comment est née cette expérimentation dont nous allons parler aujourd’hui ? Une expérimentation qui s'est donc vraiment transformée vers le droit commun et quels étaient ses objectifs initiaux ? Et puis, en fait, en quoi consiste-t-elle exactement ? 

Bilen Barzaghi : Alors en fait, en 2018, il a été constaté que les personnes les plus éloignées de l'emploi n'avaient pas d'accompagnement sans couture vers l'emploi. Sans couture, c'est à dire sans interruption du parcours du repérage jusqu'à l'intégration de programmes professionnels ou bien de raccrochage à France Travail. Il était donc question d'expérimenter sur la mise en place d'un processus d'accompagnement global, qu'on appelle. Et du coup, une démarche d'innovation a été lancée dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences, avec objectif de contribuer à l'insertion professionnelle de ces personnes plus éloignées de l'emploi, qui n'étaient pas accompagnées par les opérateurs du service public pour l'emploi. Et voilà pour cela un parcours d'accompagnement personnalisé allant du repérage jusqu'à l'accès à l'emploi ou l'activité durable a été d'abord testé et ensuite formalisé. On verra mieux comment. Alors, pour finalement formaliser cette expérimentation, vous n'avez pas travaillé seul(s), vous avez été accompagné(s) et notamment de certaines associations, et c'est pour ça que nous recevons Jean-Christophe aujourd'hui. Jean-Christophe Est-ce que vous pouvez nous dire à quel titre l'action de votre association s'est inscrite et a bénéficié de cette expérimentation ? Déjà, qu'est-ce que fait Konexio ?

Jean-Christophe Vidal : Alors nous, on accompagne des personnes qui sont éloignées de l'emploi sur deux axes. La première, c'est la formation au numérique. C'est historiquement notre première activité. Et ensuite faire en sorte que, en faisant des CV, des lettres de motivation, en repérant des offres d'emploi en ligne, on aille plus rapidement vers des recruteuses et des recruteurs. Cette expérimentation, pour nous, elle s'est traduite par trois projets et à chaque fois, nous étions trois à cinq acteurs à travailler ensemble pour toucher un peu plus de deux mille personnes en cinq ans. Ça veut dire qu'on va aller rechercher des personnes qui sont éloignées de l'emploi, parfois pas connues de Pôle Emploi ou France Travail aujourd'hui, et même pour les plus jeunes, des missions locales. Et on va faire en sorte de les embarquer dans un parcours dans lesquels ils ont une personne qui est référente et qui va donc les accompagner, quelles que soient les différentes structures associatives, administrations de l'emploi ou autres types d'administrations qui pourront les accompagner. Par exemple, si on a une personne que l'on veut former au numérique mais que cette personne en fait risque de perte de masse au logement, elle ne va pas se poser la question mais je fais quoi de mon CV ? Non, il va d'abord falloir lui trouver une solution pour le logement. Ensuite, on va pouvoir véritablement l'accompagner et c'est ça l'enjeu de cette expérimentation.

Journaliste : Alors, une expérimentation demande résultats. Est-ce que ces résultats ont été visibles assez vite finalement ? Est ce qu'ils ont été probants ? Comment ça s'est manifesté ?

Jean-Christophe Vidal : Dans cette expérimentation, environ 70 % des personnes retournent rapidement vers l'emploi, c'est à dire dans les six mois. Ensuite, on s'aperçoit que des personnes ne vont pas aller directement vers l'emploi. Elles vont aller vers des formations qui vont être plus qualifiantes. D'où ce principe aujourd'hui de passer d'une expérimentation qui a démarré en 2018 à quelque chose qui est plus inscrit dans la loi pour pérenniser ces dispositifs.

Journaliste : Donc, j'imagine que ces retours terrain vous ont donné, à vous, Bilen, du grain à moudre pour pouvoir continuer à travailler ?

Bilen Barzaghi : Ces retours de terrain ont nourri la réflexion pour concevoir le dispositif qu'on appelle aujourd'hui « offre de repérage et remobilisation » et l'intégrer dans le droit commun via l'article sept de la Loi pour le plein emploi. Concrètement, cela nous a permis de réaliser des travaux de capitalisation à travers des entretiens avec les lauréats, comme par exemple, l'association Konexio, la conception d'un référentiel commun autour de quatre axes principaux étant : le repérage, la remobilisation, l'accompagnement global et la coordination. Des ateliers de travail, pour valider ce premier squelette et déterminer ensemble les modalités de conventionnement et de pilotage du dispositif. Et bien évidemment, tout au long de la démarche, des rendez-vous réguliers pour faire des points d'avancement, réaliser des focus groups en mettant au centre les usagers et en prenant en considération les vrais besoins des associations du terrain et des bénéficiaires. 

Journaliste : C'est le moins qu'on puisse dire. C'est un vrai travail de collaboration et de co-construction ensemble ?

Jean-Christophe Vidal : Oui, Marie, exactement. En fait, prenons un exemple d'une jeune qui a été déscolarisée et qui se retrouve dans une mission locale, par exemple en Seine-Saint-Denis. Et en fait, cette jeune n'a aucune idée de ce qu'elle pourrait faire de son avenir. Nous, on a deux objectifs. Le premier, c'est de comprendre d'où la personne vient et ce dont elle a envie, et donc de lui donner la possibilité de pouvoir tester des choses. Et ça, ça peut se faire à la fois par la mission locale parce qu'il est conseiller en insertion, mais ça peut se faire aussi au niveau associatif parce qu'on va lui faire rencontrer des personnes qui travaillent dans différents types de métiers, par exemple dans le numérique. La personne va pouvoir tester les différents langages informatiques, voir si ça l'intéresse ou pas. Et puis si elle veut aller plus loin, elle va pouvoir intégrer une formation qui va pouvoir l'emmener jusqu'à un diplôme et ensuite un emploi. A contrario, on peut avoir des personnes qui se rendent compte en fait qu'elles ont besoin de plus de temps pour pouvoir être accompagnées. Et là, on va pouvoir faire des immersions professionnelles. Et là c'est France Travail qui va pouvoir nous aider. Et des entreprises bien entendu, qui vont aussi collaborer et qui vont faire en sorte que la personne en permanence se voit offrir de nouvelles opportunités. Ces opportunités de court terme permettent derrière de créer des envies à plus long terme. 

Journaliste : Ce qui veut dire que finalement, on fait appel à l'acteur dont on a besoin selon l'appétence et les besoins des bénéficiaires, c'est ça ?

Jean-Christophe Vidal : En effet, dans ce nouveau dispositif, ce sont plusieurs associations et administrations qui travaillent ensemble pour proposer des parcours qui vont mêler à la fois immersion professionnelle, remobilisation, par exemple sur le français, sur le numérique, sur les mathématiques, accès aux droits, sur la santé, sur le logement et ensuite la possibilité de pouvoir aller vers les entreprises. Et ce maillage, administrations, associations, entreprises, c'est ça qui facilite en fait le retour vers l'emploi.

Journaliste : Alors aujourd'hui, le dispositif est inscrit dans le droit commun. On va parler de cette approche Aller vers dont nous parlions hors antenne tout à l'heure. Cette approche, Aller vers, comment s'intègre-t-elle dans vos pratiques professionnelles ? Jean-Christophe ? 

Jean-Christophe Vidal : Les dispositifs Aller vers, c'est d'abord de se dire je veux repérer des personnes au plus près de là où elles sont aujourd'hui. Je n'attends pas qu'elles soient inscrites à France Travail. Je vais aller voir par exemple des associations locales, des associations sportives, des clubs de jeunes ou de seniors et de cette manière-là, expliquer aux personnes ce que nous, nous proposons, et en les faisant rentrer dans un dispositif qui peut être par exemple, expliquer comment on navigue de manière sécurisée sur Internet, on va pouvoir aussi glisser d'autres enjeux. Vous êtes sans travail, vous pouvez être inscrit à France Travail, aux missions locales ou à Cap Emploi. Vous ne savez pas comment trouver un rendez-vous de santé ? Évidemment, je peux aller sur des plateformes de santé, mais en plus de ça, j'ai la possibilité de vérifier si mon compte AMELI est bien à jour. C'est en fait faire feu de tout bois et offrir des solutions concrètes aux personnes.

Journaliste : Côté institutionnel, comment cette démarche finalement, Aller vers, s'inscrit dans vos méthodes de travail ou dans vos pratiques professionnelles ? 

Bilen Barzaghi : Oui. Alors cet enjeu d'Aller vers est au cœur de la loi pour le plein emploi. Il s'agit donc de proposer une offre qui s'adresse à tous les publics et qui leur permet de trouver les solutions adaptées à leurs besoins dans leurs démarches de retour à l'emploi. Concrètement, cet enjeu d'Aller vers implique de sortir des logiques institutionnelles et pour cela, on a besoin d'acteurs agiles qui sachent se déployer dans tous les espaces où les personnes vulnérables ont des attaches pour leur proposer d'entrer dans une dynamique active de recherche d'emploi. Et dans cette phase, la relation de proximité individualisée, comme mentionné par plusieurs exemples portés par Jean-Christophe, est à privilégier. Cela permet de créer le lien de confiance indispensable à une démarche durable. Et c'est bien cet enjeu que l'État confie aux acteurs de terrain. Dans cette nouvelle offre de repérage et de remobilisation. 

Journaliste : Voilà, c'est la fin de cet épisode d'Innov’Action, qui nous a montré combien une expérimentation peut tout simplement conduire au droit commun. Rien que ça. Merci d'avoir été à l'écoute. N'hésitez pas à aller écouter les épisodes précédents et à les partager. En attendant, je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode ! Excellente journée à tous.