Le travail en soirée
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Dans le cadre fixé par les articles L. 3122-4 et L. 3122-19 du Code du travail, les établissements de vente au détail situés dans les zones touristiques internationales (ZTI) peuvent employer des salariés en soirée, c’est-à-dire dans la tranche horaire comprise entre 21 heures et 24 heures. Cette possibilité n’est ouverte que dès lors qu’un accord collectif ou territorial le prévoit et en fixe les modalités. Des contreparties doivent être offertes aux salariés concernés.
À savoir !
S’agissant du travail en soirée, il convient de distinguer les domaines relevant de l’ordre public, c’est-à-dire ceux pour lesquels le législateur fixe des règles auxquelles il n’est pas possible de déroger, et ceux pour lesquels les règles pourront être fixées par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche (avec, sauf cas particuliers, la primauté de la convention ou l’accord d’entreprise la sur la convention ou l’accord de branche). Des dispositions dites « supplétives » sont prévues et s’appliquent en cas d’absence de convention ou d’accord collectif fixant ces règles.
Quels sont les établissements concernés par le travail en soirée ?
Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques internationales (ZTI) peuvent employer des salariés en soirée, c’est-à-dire dans la tranche horaire comprise entre 21 heures et 24 heures, sous réserve de la conclusion d’un accord collectif (accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, accord collectif de branche, ou accord conclu à un niveau territorial).
Cet accord devra fixer les modalités du travail en soirée (notamment l’heure de fin du travail en soirée, soit au plus tard 24 heures) et les contreparties et garanties offertes aux salariés (voir ci-dessous) ; il s’agit là de dispositions d’ordre public auxquelles il ne peut être dérogé.
Les zones touristiques internationales sont délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et, le cas échéant, du président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont la commune est membre ainsi que des organisations professionnelles d'employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, compte tenu :
- Du rayonnement international de ces zones ;
- De l'affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France ;
- Et de l'importance de leurs achats.
Les critères ainsi pris en compte sont précisés par l’article R. 3132-21-1 du code du travail
La liste de ces zones a été fixée, à Paris, par les arrêtés du 25 septembre 2015, du 23 août 2018 et du 25 septembre 2019 cités en référence (à noter que les arrêtés du 25 septembre 2015 relatifs aux ZTI « Olympiades », « Maillot-Ternes » et « Saint-Emilion bibliothèque » ont été annulés par décisions du 13 février 2018 et du 19 avril 2018 ; afin de tenir compte de ces décisions, deux arrêtés du 23 août 2018 ont, d’une part, créé une nouvelle ZTI dénommée « Palais des Congrès » et, d’autre part, étendu la ZTI « Champs-Elysées Montaigne »). Pour la province, la délimitation de ces zones a été fixée par six arrêtés du 5 février 2016 (pour les communes de Cannes, Deauville, Nice, Saint-Laurent-du-Var, Cagnes-sur-Mer, Serris « Val d’Europe ») et par trois autres arrêtés, en date du 25 juillet 2016 (pour les communes d’Antibes, de Dijon et de La Baule-Escoublac ; à noter que l’arrêté relatif à la ZTI de Dijon a été annulé par une décision du tribunal administratif de Paris en date du 19 avril 2018, de sorte que le régime du travail en soirée n’y est plus applicable).
Les salariés sont-ils tenus d’accepter un travail en soirée ?
Seul-e-s les salarié-e-s volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler en soirée, c’est-à-dire entre 21 heures et 24 heures (ou, dans ces limites, dans la tranche horaire fixée par l’accord collectif prévoyant le travail en soirée). De ce principe de volontariat découlent les conséquences suivantes (en cas de litige, le conseil de prud’hommes sera compétent) :
- le salarié qui refuse de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit (au plus tard, 24 heures) ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ;
- le refus de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour un salarié ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. Ces dispositions sont d’ordre public.
- Une entreprise ne peut prendre en considération le refus d'une personne de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour refuser de l'embaucher. Cette disposition est d’ordre public ;
- Pour les jeunes de moins de 16 ans, tout travail entre 20 heures et 6 heures est, en principe, interdit ;
- Pour les jeunes de 16 ans à moins de 18 ans, est interdit le travail entre 22 heures et 6 heures. Pour plus de précisions, on se reportera à la fiche consacrée au temps de travail des moins de 18 ans.
Quelles sont les contreparties et les garanties accordées aux salariés travaillant en soirée ?
Les salariés appelés à travailler en soirée bénéficient d’un certain nombre de contreparties et de garanties. Certaines sont applicables à tous les salariés travaillant en soirée, même de manière occasionnelle ; d’autres ne s’appliquent qu’aux salariés travaillant régulièrement en soirée.
Garanties applicables à tous les salariés travaillant en soirée
Chacune des heures de travail effectuées par un salarié durant la période fixée entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit (soit, au plus tard, à minuit) :
- est rémunérée au moins le double de la rémunération normalement due ;
- et donne lieu à un repos compensateur équivalent en temps. Les dispositions mentionnées ci-dessus sont d'ordre public.
En outre, l’accord collectif qui prévoit le recours au travail en soirée et qui en fixe les modalités, doit, notamment, prévoir, au bénéfice des salariés employés entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit :
- La mise à disposition d'un moyen de transport pris en charge par l'employeur qui permet au salarié de regagner son lieu de résidence ;
- Les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés et, en particulier, les mesures de compensation des charges liées à la garde d'enfants ou à la prise en charge d'une personne dépendante ;
- La fixation des conditions de prise en compte par l'employeur de l'évolution de la situation personnelle des salariés et, en particulier, de leur souhait de ne plus travailler en soirée. Pour les salariées en état de grossesse médicalement constaté ou ayant accouché, mentionnées à l'article L. 1225-9 du code du travail, , le choix de ne plus travailler entre 21 heures et le début de la période de nuit est d'effet immédiat.
Garanties applicables aux salariés travaillant habituellement en soirée
Dans un souci de protection de leur santé et de leur vie personnelle, et à l’instar de ce qui est prévu pour les travailleurs de nuit, les salariés effectuant régulièrement un travail en soirée (ou un travail en soirée et un travail de nuit) bénéficient de garanties particulières. Cette disposition est d’ordre public.
Sont concernés les salariés qui accomplissent, pendant la période de travail en soirée (soit entre 21 h et 24 h) :
- soit, selon leur horaire de travail habituel, au minimum trois heures dans la période de travail en soirée, à raison de deux fois par semaine au moins ;
- soit, un nombre minimal d'heures de travail pendant une « période de référence ». Ce nombre minimal d'heures de travail en soirée et la période de référence sont fixés par une convention ou un accord collectif de travail étendu. À défaut d’accord, le nombre minimal est de 270 heures accomplies pendant une période de 12 mois consécutifs.
- Lorsque, au cours d'une même période de référence, les salariés ont accompli des heures de travail en soirée et des heures de travail de nuit, il sera tenu compte de la totalité de ces heures pour l’application des garanties spécifiques mentionnées ci-dessous et de celles applicables au titre du travail de nuit.
- Lorsque des salariés sont employés en soirée (ou en soirée et de nuit) dans les conditions mentionnées ci-dessus, le médecin du travail est consulté avant toute décision importante relative à la mise en place ou à la modification de l'organisation du travail en soirée (ou du travail en soirée et de nuit). Les dispositions mentionnées ci-dessus sont d’ordre public.
Les salariés travaillant habituellement en soirée bénéficient ainsi des garanties spécifiques suivantes, qui viennent s’ajouter aux garanties et contreparties applicables à tout salarié travaillant en soirée et qui constituent des dispositions d’ordre public. À ce titre :
- ils font l’objet, avant leur affectation sur un poste de travail en soirée, d'une visite d’information et de prévention réalisée par un professionnel de santé (médecin du travail ou, sous son autorité, collaborateur médecin, interne en médecine du travail, infirmier). Ils bénéficient ensuite de modalités de suivi adaptées de leur état de santé, déterminées par le médecin du travail, selon une périodicité qui n'excède pas une durée de trois ans (au lieu de cinq ans dans le cas général) ;
- s’ils souhaitent occuper ou reprendre un poste de jour dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise, ils ont priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent ; l’employeur porte à leur connaissance la liste des emplois disponibles correspondants ;
- s’il s’avère que le travail en soirée est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, notamment avec la garde d'un enfant ou la prise en charge d'une personne dépendante, le refus du travail en soirée ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement et le travailleur peut demander son affectation sur un poste de jour.
Transfert sur un poste de jour en raison de l’état de santé Si leur état de santé, constaté par le médecin du travail, l'exige, les salariés travaillant en soirée sont transférés, à titre définitif ou temporaire, sur un poste de jour correspondant à leur qualification et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé.
L'employeur ne peut prononcer la rupture du contrat de travail du salarié travaillant en soirée du fait de son inaptitude au poste comportant le travail en soirée, à moins qu'il ne justifie par écrit soit de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de proposer un poste dans les conditions fixées ci-dessus, soit du refus du salarié d'accepter le poste proposé dans ces conditions.
Ces dispositions s'appliquent sans préjudice des articles L. 1226-2 à L. 1226-4-3 applicables aux salariés déclarés inaptes à leur emploi ainsi que des articles L. 4624-3 et L. 4624-4 relatif aux possibilités d’action du médecin du travail.
Ces dispositions sont d’ordre public.
Textes de référence
- Articles L. 3122-4 et L. 3122-10 à L. 3122-14 (ordre public), L. 3122-19 (champ de la négociation collective) du Code du travail
- Articles L. 4624-1, R. 4624-10 à R. 4624-15, , R. 4624-17 et R. 4624-18 du Code du travail
- Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (JO du 9)
- Décrets n° 2016-1552 et n° 2016-1555 du 18 novembre 2016 (JO du 19)
- Décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 (JO du 29)
- Arrêtés du 25 septembre 2015 (délimitation des ZTI à Paris ; JO du 26)
- Arrêtés (six textes) du 5 février 2016 (délimitation des ZTI dans certaines villes de province ; JO du 7)
- Arrêtés du 25 juillet 2016 (délimitation des ZTI dans certaines villes de province)
- Ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 (JO du 21)
- Arrêtés du 23 août 2018 (ZTI à Paris ; JO du 24)
- Arrêté du 25 septembre 2019 (ZTI « Paris La Défense ; JO du 29)