Études réalisées sur les syndicats
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Constat de Grenelle
Le jeudi 23 mai 1968, en France, la crise sociale bat son plein. C’est l’usine Sud-Aviation, à Château-Bourgon, près de Nantes, qui le 14 mai avait donné le signal des grèves ouvrières. Dix jours après, dans un pays économiquement paralysé, on compte de neuf à dix millions de grévistes. Aux côtés parfois, à distance souvent, des étudiants, les syndicats appuient une révolte ouvrière qui ne manque pas de fondement. La croissance est encore au rendez-vous. Mais trois millions de Français gagnent moins de 600 francs par mois. Le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est à 2,2 F de l’heure, soit 424 F par mois... Le 22 mai 1968, la France paralysée compte plusieurs millions de grévistes. Le gouvernement décide d’ouvrir des négociations avec les syndicats et le patronat.
Roman-feuilleton ou non, le samedi 25 mai à 15 heures, s’ouvre au 127 rue de Grenelle, dans l’ancien Hôtel du Châtelet, devenu le siège du ministère du travail, la rencontre qui est entrée dans l’histoire sous le nom de « conférence de Grenelle ».
45 personnes participent aux négociations conduites par Georges Pompidou. Le Premier ministre est entouré de Jean-Marcel Jeanneney et Jacques Chirac, et assisté du conseiller social de Matignon, Edouard Balladur. Ils font face à quelques grandes figures du monde syndical et professionnel : Benoît Frachon et Georges Séguy pour la CGT, André Bergeron pour FO, André Malterre pour la CGC, Paul Huvelin président du CNPF. Les négociations aboutissent, à l’aube du lundi 26 mai, aux propositions de Grenelle, qualifiées à tort d’accords de Grenelle, personne ne les ayant signées. Le Premier ministre accepte de faire certaines concessions : augmentation du SMIG de 35 % et des salaires de 7 % ; baisse du ticket modérateur ; réduction d’une durée d’une heure de la durée de travail hebdomadaire ; paiement à 50 % des jours de grève et, enfin, reconnaissance de la section syndicale d’entreprise.
La France connaîtra des grèves importantes jusqu’aux environs du 18 juin. Mais pendant ces vingt-cinq heures de discussions à l’ancien hôtel du Châtelet, une nouvelle idée de la négociation sociale était née.
La charte d'Amiens
Le Congrès fédéral d’Amiens confirme l’article 2 ; constitutif de la CGT : « La CGT groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat. »
Le Congrès considère que cette déclaration est une reconnaissance de la lutte de classe, qui oppose sur le terrain économique, les travailleurs en révolte contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression, tant matérielles que morales, mises en œuvre par la classe capitaliste contre la classe ouvrière.
Le Congrès précise, par les points suivants, cette affirmation théorique : dans l’œuvre revendicatrice quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l’accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d’améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l’augmentation des salaires, etc.
Mais cette besogne n’est qu’un côté de l’œuvre du syndicalisme ; il prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ; il préconise comme moyen d’action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance, sera, dans l’avenir, le groupe de production et de répartition, base de l’organisation sociale.
Le Congrès déclare que cette double besogne, quotidienne et d’avenir, découle de la situation des salariés qui pèse sur la classe ouvrière et qui fait, à tous les travailleurs, quelles que soient leurs opinions ou leurs tendances politiques ou philosophiques, un devoir d’appartenir au groupement essentiel qu’est le syndicat.
Comme conséquence, en ce qui concerne les individus, le Congrès affirme l’entière liberté pour le syndiqué, de participer, en dehors du groupement corporatif, à telles formes de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander, en réciprocité, de ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu’il professe au dehors.
En ce qui concerne les organisations, le Congrès déclare qu’afin que le syndicalisme atteigne son maximum d’effet, l’action économique doit s’exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n’ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale.
Déclaration adoptée le 13 octobre 1906 par le IXème Congrès de la CGT à Amiens