Document d’orientation sur le CPA et la sécurisation des parcours
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Le Président de la République a annoncé en avril 2015 la création du compte personnel d’activité (CPA). L’article 38 de la loi du 17 août 2015 a prévu que toute personne dispose au 1er janvier 2017, d’un tel compte qui rassemble, dès son entrée sur le marché du travail et tout au long de sa vie professionnelle, les droits sociaux personnels utiles pour sécuriser son parcours professionnel.
Lors de la Conférence sociale pour l’emploi du 19 octobre 2015, les partenaires sociaux ont souhaité engager la négociation d’un accord relatif aux principes et à la méthode de construction du CPA et de la sécurisation des parcours professionnels. Conformément à l’article L. 1 du Code du travail, la ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social vient de transmettre, au nom du Gouvernement, aux partenaires sociaux un document d’orientation qui définit le cadre de la négociation. Le projet de loi qui sera présenté au Parlement début 2016 tiendra compte des résultats de la négociation.
Contenu du document d'orientation
Les modes de production et les parcours professionnels d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier. Les transitions professionnelles sont devenues beaucoup plus nombreuses : le nombre d’actifs qui, au cours d’une année donnée, connaît un changement d’emploi, un passage de l’emploi au chômage ou l’inverse est passé de 2,7 millions en 1975 à 5,2 millions en 2009. La mondialisation, la transformation numérique et la transition écologique induisent des processus continus d’adaptation dans les entreprises, et impliquent des évolutions des compétences des actifs. De nouvelles formes d’activité professionnelle
émergent, liées notamment à l’économie collaborative.
Ces mutations sont porteuses d’opportunités de croissance et d’emplois. Ce sont de nouveaux marchés, de nouveaux biens et services à inventer, développer et offrir pour les entreprises, et de nouveaux emplois ou activités à créer ou saisir pour les personnes.
Cependant, le fonctionnement du marché du travail est producteur de fortes inégalités entre actifs, les trajectoires heurtées étant concentrées sur les jeunes, les personnes les moins qualifiées, les femmes et les seniors. Il fragilise notre modèle social, construit autour de la norme de l’emploi salarié stable et à temps plein. En rendant plus risquées les transitions, il n’encourage pas à la mobilité choisie et freine les individus dans leurs aspirations à plus d’autonomie. Pour les employeurs, l’enjeu est que les actifs soient à la fois mieux formés et en capacité de s’adapter aux changements, mais aussi plus mobiles et plus autonomes car plus assurés de ne pas perdre certains droits ou protections en cas de changement de statut ou de situation.
Au cours des dernières années, d’importants progrès ont été accomplis pour renforcer la portabilité des droits sociaux et aider les actifs à construire leurs parcours professionnels, le plus souvent à l’initiative des partenaires sociaux :
- L’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail a posé les premières bases de la portabilité des complémentaires santé et prévoyance et instauré une portabilité limitée du droit individuel à la formation (DIF) ;
- La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, issue de l’ANI du 11 janvier 2013, a rendu effectives la portabilité des complémentaires santé et prévoyance, créé les accords de mobilité sécurisée et posé le principe du compte personnel de formation et des « droits rechargeables » à l’assurance-chômage ;
- La loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a créé le compte personnel de prévention de la pénibilité ;
- La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, issue de l’ANI du 14 décembre 2013, a détaillé les modalités de mise en œuvre du compte personnel de formation, et a créé le service public régional de l’orientation et le conseil en évolution professionnelle ;
- La convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage a rendu effectif le mécanisme des « droits rechargeables », permettant au chômeur ayant repris un emploi de conserver les droits non encore utilisés.
Une nouvelle étape doit aujourd’hui être franchie, pour passer de ces avancées importantes mais segmentées à une approche globale et cohérente, plus simple pour les personnes comme pour les entreprises. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé en avril 2015 la création du compte personnel d’activité (CPA). L’article 38 de la loi du 17 août 2015 a prévu que chaque actif, dispose au 1er janvier 2017, d’un tel compte qui rassemble, dès son entrée sur le marché du travail et tout au long de sa vie professionnelle, indépendamment de son statut, les droits sociaux personnels utiles pour sécuriser son parcours professionnel;
L’article 38 laisse ouvertes de nombreuses questions, notamment les modalités de constitution des droits, leurs utilisations possibles, leur financement et l’accompagnement des titulaires de compte. Lors de la Conférence sociale pour l’emploi du 19 octobre 2015, le gouvernement a souhaité que les organisations syndicales et patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel engagent une négociation, afin d’aboutir à un accord relatif aux principes, à la méthode et au calendrier de la construction du compte personnel d’activité et aux leviers d’une meilleure sécurisation des parcours professionnels.
Le présent document d’orientation, établi conformément à l’article L. 1 du code du travail, définit le cadre dans lequel le gouvernement souhaite que cette négociation s’inscrive. Le projet de loi qui sera présenté au Parlement début 2016 tiendra compte des résultats de la négociation.
Celle-ci s’inscrit dans la perspective d’universalité du CPA, qui a vocation à couvrir l’ensemble des actifs, qu’ils soient salariés du secteur privé, agents publics, travailleurs indépendants ou demandeurs d’emploi. Parallèlement à la présente négociation et à l’initiative de l’Etat employeur, une concertation avec les organisations syndicales de fonctionnaires sera engagée sur les conditions d’application du CPA aux agents publics, dans le cadre de l’agenda social propre à la fonction publique.
S’agissant des travailleurs indépendants, une concertation spécifique sera organisée. Elle pourra notamment aborder la question de la portabilité des droits en cas de passage du statut de salarié à celui de travailleur indépendant ou inversement.
La mise en place du compte personnel d’activité constitue le socle d’un nouveau modèle social. Il s’agit d’une réforme ambitieuse, dont la mise en place doit se faire par étapes.
Les partenaires sociaux sont invités à se saisir des trois domaines suivants :
- Les principes qui doivent régir le fonctionnement du compte personnel d’activité ;
- Le contenu pour la première étape de réalisation du compte personnel d’activité, au 1er janvier 2017 ;
- L’agenda de discussions en 2016 pour mieux sécuriser les parcours professionnels.
Les principes de fonctionnement du compte personnel d’activité
Les partenaires sociaux sont invités à définir un socle de principes applicables au compte personnel d’activité.
Sans que cette liste soit limitative, la négociation pourrait notamment :
- Préciser les objectifs poursuivis par le compte personnel d’activité : le CPA peut poursuivre différentes finalités, notamment le renforcement de la capacité d’évolution professionnelle des individus, une plus grande liberté d’usage des temps tout au long de la vie, la dynamisation du marché du travail et une amélioration de l’accès aux droits. Ces objectifs ont chacun leur
légitimité et ne sont pas exclusifs les uns des autres. Les partenaires sociaux pourront exprimer leur position sur l’importance ou le caractère prioritaire de ces objectifs et les utilisations du compte personnel d’activité qu’il convient, en conséquence, de privilégier. - Définir l’articulation entre renforcement des capacités d’action de l’individu, responsabilité de l’employeur et solidarité : La capacité d’action donnée à l’individu par le CPA ne doit faire oublier ni la nécessité d’organiser un cadre collectif pour le recours à ce droit, ni la responsabilité de l’employeur dans le parcours de ses salariés, ni le rôle des pouvoirs publics. L’employeur doit, aux termes du Code du travail, assurer l’adaptation de ses salariés à leur poste de travail et le maintien de leur capacité à occuper un emploi. Les pouvoirs publics sont responsables de la formation initiale et de la fourniture des services publics d’accompagnement des demandeurs d’emploi et de conseil en évolution professionnelle. Ils sont aussi garants de la solidarité entre actifs, pour lutter contre les inégalités d’accès à l’emploi et dans le travail.
La négociation pourra, dans cette perspective, définir des principes concernant les conditions de fongibilité entre les différents droits venant abonder le CPA, les conditions d’activation et d’utilisation du compte, ainsi que son financement.
Le contenu de la première étape de mise en œuvre du compte personnel d’activité
Au cours de la première étape, le compte personnel d’activité devra intégrer le compte personnel de formation et le compte personnel de prévention de la pénibilité. Les partenaires sociaux sont invités à négocier sur des éléments complémentaires qui pourront enrichir la première étape de déploiement du compte : les droits sociaux complémentaires qui pourraient figurer dans le CPA (par exemple, le compte épargne temps), les règles d’utilisation des droits et points acquis, l’accompagnement des titulaires du CPA pour faciliter les mobilités professionnelles et mieux utiliser leurs droits. Cette négociation tiendra compte des enjeux de compétitivité des entreprises et de maîtrise des comptes publics.
La création du compte personnel d’activité s’accompagnera de la mise en place d’un « portail numérique des droits sociaux », au périmètre plus large puisqu’il pourra donner progressivement accès à l’ensemble des droits liés à la carrière professionnelle (retraite, assurance-chômage, etc.). Les partenaires sociaux pourront définir les conditions dans lesquelles ils souhaitent être parties prenantes de ce projet, ainsi que des orientations sur son cahier des charges.
Enfin, afin de répondre à l’attente exprimée lors de la Conférence sociale d’un effort prioritaire en direction des jeunes sortis sans qualification du système scolaire, ceux-ci bénéficieront d’un abondement de leur compte d’un nombre d’heures de formation leur permettant d’obtenir un premier niveau de qualification. Un dialogue quadripartite spécifique sera engagé sur ce point entre l’État, les régions et les partenaires sociaux.
La fixation d’un agenda de discussions en 2016 pour mieux sécuriser les parcours professionnels des actifs
La création du compte personnel d’activité constitue une étape majeure pour mieux sécuriser le parcours professionnel des actifs. La mise en place de ce compte constitue l’occasion d’aller plus loin et d’apporter de nouveaux progrès à la sécurisation des parcours professionnels. Les partenaires sociaux sont invités à établir ensemble un agenda de discussions relatives à la sécurisation des parcours professionnels au cours de l’année 2016. Les thématiques suivantes pourraient par exemple être abordées, sans que cette liste ne soit limitative :
- Le réexamen des conditions d’accès à certains droits pour faciliter les transitions professionnelles : Les conditions d’accès à de nombreux dispositifs légaux (congé parental d’éducation, congé de soutien familial, congé individuel de formation, etc) et avantages conventionnels (indemnisation complète des congés maladie, maternité et paternité, nombre de jours de congés annuels, accès à l’intéressement et à la participation, etc) sont susceptibles de décourager la mobilité et pénalisent particulièrement les personnes qui enchaînent des contrats de courte durée. L’article 11 l’ANI du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle avait d’ailleurs prévu une réflexion sur l’harmonisation des régimes de congés.
- La levée des freins à la mobilité géographique : La faiblesse de la mobilité géographique est un obstacle majeur à la lutte contre le chômage, car elle empêche les individus de s’orienter vers les bassins d’emploi les plus dynamiques. Les partenaires sociaux pourraient aborder l’ensemble des freins à la mobilité géographique, tels que l’accès au logement, à la garde d’enfants et au permis de conduire, ainsi que le travail du conjoint. Ils pourraient s’appuyer sur le diagnostic et les propositions contenus dans une évaluation de politique publique en cours, qui devrait être finalisée début 2016.
Une attention particulière devra être portée par les négociateurs à la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, et aux effets attendus du compte personnel d’activité en termes d’égalité professionnelle. La négociation devra aboutir d’ici la fin de l’année 2015.
Sur chacune des thématiques abordées dans le présent document d’orientation, les services du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes pourront, si les partenaires sociaux le souhaitent, apporter leur contribution au diagnostic. De même, France Stratégie pourra aussi être sollicité par les partenaires sociaux pour revenir sur les travaux qu’il a réalisés ou approfondir à leur demande certaines questions.